
Le photovoltaïque est rentable, même sans aide
Le soleil se couche sur Qualiwatt. De toute façon, les installations photovoltaïques n’en ont plus besoin pour être rentables. C’est du moins l’interprétation faite par le ministre wallon de l’Energie, Jean-Luc Crucke, du récent rapport publié par la Cwape. Car, dans les faits, le régulateur wallon de l’énergie ne plaide pas exactement pour l’arrêt complet du mécanisme de soutien qui profite aux propriétaires de panneaux sur leur toit.
Avec presque 450 euros pour les plus chanceux, la prime annuelle versée aux particuliers qui installent des panneaux solaires en Wallonie a de quoi soutenir l’investissement. A l’heure actuelle, une installation photovoltaïque de 3kWc, soit environ 24 mètres carrés de panneaux, offre une rentabilité de plus de 7 % avec le système Qualiwatt. C’est supérieur à l’objectif initial de 5%, mais le double objectif de la prime n’est mathématiquement plus tenable.
Qualiwatt, c’est quoi ?
En 2014, pour encourager les particuliers refroidis par l’histoire des certificats verts, le gouvernement wallon met en place un nouveau système destiné aux petites installations (celles d’une puissance inférieure à 10kVA). Le mécanisme a deux objectifs. Un, l’investissement doit générer, à terme, une rentabilité de 5 %. Deux, la prime doit également permettre au particulier d’amortir sont installation photovoltaïque en 8 ans. « Nous avons déjà dit aux politiques qu’il fallait choisir entre l’un ou l’autre. Ce n’est mathématiquement pas possible d’établir une prime qui vise les deux », rappelle Stéphanie Grevesse, porte-parole de la Cwape.
Aujourd’hui, avec le prix des installations en constante diminution et une compensation intéressante, faire amortir l’investissement en 8 ans donne de facto droit à un rendement supérieur à 5 % lorsque l’on bénéficie de la prime Qualiwatt.
A quelle prime a-t-on droit ?
Pour établir le montant de la prime justement, la Cwape se base sur trois critères principaux : la puissance de l’installation, son prix et le gestionnaire de réseau dont dépendent les panneaux. En y ajoutant les frais d’entretien et une projection du prix de l’électricité, on calcule dans un premier temps le bénéfice retiré de la compensation.
La compensation, c’est le principe du « compteur qui tourne à l’envers ». Il tourne à l’endroit lorsque le particulier puise de l’énergie sur le réseau, à l’envers lorsqu’il en injecte grâce à la production de ses panneaux. La facture d’électricité diminue donc de la partie qui provient du toit. Mais si chacun voit son décompte personnalisé, la projection de la Cwape tient plutôt compte d’une « production moyenne », pas de celle effectivement distribuée sur le réseau.
Et puisque le prix de cette denrée dépend du gestionnaire de réseau, des installations strictement identiques peuvent donner droit à des primes tout à fait différentes selon le réseau auquel elles sont raccordées. Plus le prix de l’électricité est bas et donc la compensation faible, plus la prime Qualiwatt sera élevée. A l’inverse, lorsque les panneaux permettent de réaliser une économie substantielle sur sa facture d’électricité, le montant de la prime est plus modeste.
Chaque kWc de panneau donne droit à un montant fixe et on plafonne à 3kWc la puissance maximum. « La puissance moyenne des installations en Wallonie tourne autour de 5kWc », détaille toutefois Stéphanie Grevesse.
Et avec tout ça, la Cwape révise aussi, à la hausse ou à la baisse, le montant du soutien à la production tous les 6 mois si le prix de l’électricité a varié de plus ou moins 10 %. « Cela arrive chaque année », précise la porte-parole de l’institution.
Pour des installations mise en service entre le 1er janvier et le 30 juin 2018, le montant de la prime annuelle Qualiwatt varie de 96,99 euros à 147,87 euros par kWc installé selon le lieu du compteur. Mais ces montants sont susceptibles de changer.
Et sans Qualiwatt ?
Mathématiquement, si on ne tenait compte que de l’objectif de rendement de 5 %, les primes Qualiwatt devraient déjà être à zéro. Pas besoin, donc, de toucher une aide du gouvernement wallon pour que l’installation de panneaux photovoltaïques soit une opération financière gagnante. Mais il faudra cependant être plus patient.
Le simulateur financier de l’Apere, une association indépendance pour les énergies renouvelables, en fait la démonstration. Pour une installation à Verviers, avec 3kWc de panneaux, il faudra patienter 6 ans pour que l’investissement de départ, la prime et les dépenses en énergie rattrapent ce qu’un ménage aurait payé en factures d’électricité tout ce qu’il y a de plus classique. Si l’on ne soustrait pas la prime aux dépenses, la rentabilité se fait après 13 ans. Même constat pour une installation plus importante où les panneaux ne sont « rentables » qu’après 17 ans, contre 9 ans grâce à Qualiwatt.
Ce qui va changer.
Selon toute vraisemblance, c’est bien pour une suppression du système Qualiwatt que penche le ministre wallon de l’Energie. A la Cwape, on était pourtant plus favorable à un changement sur le mécanisme de compensation. Parce que l’effet psychologique d’une absence de prime pourrait freiner les particuliers, mais aussi parce que la Commission wallonne pour l’énergie préférerait que l’on s’attaque au compteur qui tourne à l’envers. Pourquoi ? Parce qu’en faisant baisser la consommation facturée de cette manière, on considère qu’on achète de l’électricité au même prix qu’on la vend. « Cela présente une distorsion par rapport à d’autres filières et cela n’encourage pas l’autoconsommation, c’est-à-dire d’utiliser l’énergie au moment où les panneaux la produisent », regrette-t-on à la Cwape.
Si le calcul pour l’utilisation du réseau est amené à changer d’ici quelques années, le principe de la compensation n’est pas remis en cause pour l’instant.
Ce qui change déjà, par contre, concerne le prix des installations photovoltaïques qui ne cessent de devenir meilleur marché. Selon le ministre, la diminution des obligations administratives pour les installateurs grâce à la suppression du régime Qualiwatt devrait même encourager ce mouvement.
Source: Le Soir.be